La bienheureuse dont les reliques seront inhumées à l'église de Saint-Gilles le 30 juin?
De nationalité française, la Bienheureuse Eugénie Joubert a déployé son apostolat dans la paroisse de Saint-Gilles à Liège à l’aube du 20e siècle, avant de mourir prématurément de la tuberculose à l’âge de 28 ans. Portrait d’une jeune femme rayonnante qui a “popularisé” le catéchisme.
Lors de notre rencontre en visioconférence, c’est avec beaucoup d’enthousiasme et une certaine émotion que Monique Luby-Gaucher nous présente la figure lumineuse et “tellement actuelle” de la Bienheureuse Eugénie Joubert.
C’est d’abord une histoire personnelle et familiale qui la relie à la Bienheureuse. Elle est l’épouse de Jean-Louis Gaucher, dont la grand-mère, Antonia, était la plus jeune soeur d’Eugénie Joubert. “Dans sa famille, on l’appelait la tante sainte“. Monique Luby-Gaucher développe elle aussi un attachement personnel pour Eugénie suite à une prière exaucée. Elle s’est donc rendue sur sa tombe au printemps 2018 à Dinant et sur son cénotaphe à Liège, où elle note la présence de chapelets, de fleurs, témoignages récents d’une dévotion locale.
Pour mieux la faire connaître, elle décide alors avec d’autres de fonder l’association des Amis de la Bienheureuse Eugénie Joubert, association privée de fidèles dotée d’une reconnaissance canonique (promulguée le 9 octobre 2023 par Monseigneur Delville). Et Monique Luby insiste “ce n’est pas qu’une histoire de famille, la mémoire d’Eugénie Joubert appartient à tout le monde, elle est internationale et universelle.” L’association est donc tenue de rendre chaque année un rapport d’activités à notre évêque dont Monique Luby-Gaucher souligne l’écoute, l’empathie, la réactivité dans le suivi de ce dossier auquel il a réellement donné une impulsion. Belle réactivité aussi de tous les acteurs impliqués dont les paroissiens de Saint-Gilles où la Bienheureuse a vécu son apostolat.
“Je veux être religieuse tout à fait”
Née à Yssingeaux (Haute-Loire) un 11 février, date de la fête de la Vierge de Lourdes, la jeune Eugénie Joubert – elle n’a que 19 ans – rejoint la congrégation de la Sainte-Famille du Sacré-Coeur très en vogue en cette fin de 19e siècle. La blessure de sa vie, c’est la séparation de ses parents ; sa mère rêve de voir toutes ses filles entrer dans les ordres, un projet auquel le papa est foncièrement opposé. Pourtant, la soeur ainée d’Eugénie, Marie, devient religieuse dans la congrégation de la Sainte-Famille du Sacré Coeur (aujourd’hui éteinte mais alors florissante), Eugénie aussi fera ce choix et en totale liberté. On le sait par le biais de ses carnets où elle note ses méditations, réflexions, les compte-rendu de ses retraites et aussi ses doutes, elle écrit : “Moi, je veux être religieuse tout à fait”, dans cette idée de don total de sa personne, loin des plans de carrière dressés par sa mère.
Eugénie, à droite, entourée de sa maman, sa soeur Marie et de ses frères Ernest, Laurent, Wilfried et Gabriel. Les deux petits derniers, Edouard et Antonia, ne sont pas encore nés. DR
Devenue religieuse, Eugénie s’engage dans le catéchisme, “elle aimait les enfants et surtout ceux réputés les plus difficiles, vivant dans les banlieues industrielles” pour qui elle développera sa propre pédagogie. Le pape Jean-Paul II l’érigera par ailleurs en modèle pour les catéchistes lors de sa béatification en 1994. Notons au passage qu’Eugénie est contemporaine de Thérèse de Lisieux avec qui elle n’a cependant pas de liens. “Rien n’est petit de ce que Jésus demande”, Eugénie Joubert manifestait une très forte humilité pour être au plus près de la croix mais toujours dans la joie et la gaieté.
Aimer chacun davantage
Sa devise ? “Pourvu que Jésus soit content”. Son secret ? Faire la joie de Jésus. Mais sa dévotion à Marie est tout aussi grande. Le chapelet est sa prière de prédilection, elle développe une véritable relation filiale, très forte avec la Vierge qu’elle priait beaucoup avec les enfants, pour lui confier leurs souffrances. C’est donc une catéchèse mariale qu’elle enseigne aux petits, pour leur communiquer cette dévotion à Marie. “A Jésus par Marie” qui l’accompagne dans tous les évènements marquants de sa vie depuis sa naissance.
L’essentiel de sa méthode repose sur les trésors de bonté, de douceur et de patience (elle qui était impatiente de nature) déployés avec les enfants. Eugénie qui a tant manqué d’affection s’est ainsi donné pour mission d’aimer chacun davantage. Et d’allumer les coeurs des enfants avec l’amour de Dieu. “Son catéchisme est fondé sur la grâce et la prière. Elle faisait des provisions de grâces par la prière car on ne peut donner que ce qu’on a reçu.” D’une certaine façon, analyse Monique Luby, “elle a devancé le pape François qui souligne la différence entre ‘être catéchiste’ et ‘faire du catéchisme’ car sa catéchèse était un témoignage vivant, ce qu’elle enseignait, d’abord elle le vivait.”
En 1895, Eugénie Joubert rejoint la congrégation de la Sainte-Famille du Sacré-Coeur très en vogue à l’époque. DR
Si proche et inspirante
C’est aussi une femme moderne pour son temps qui propose notamment d’encadrer les laïcs qui voudraient eux aussi devenir catéchistes, ce qui n’était pas courant à son époque. “Eugénie se laisse porter par le mouvement profond de son coeur, ce n’est pas une intellectuelle. Elle voulait vivre au coeur de l’Eglise pour transmettre la foi de l’Eglise, aider les autres à y enraciner leur foi pour ne pas qu’elle s’évapore comme la rosée au soleil.”
Comment en est-elle arrivée à vivre son apostolat sur les hauteurs de Saint-Gilles ? En fait, sa soeur Marie était devenue la supérieure de la congrégation à Liège. C’est après un séjour à Rome qu’Eugénie rentre à Liège où elle meurt à l’âge de 28 ans de la tuberculose. Dans un dernier souffle, elle prononcera par trois fois le nom de Jésus. “Eugénie est une personnalité actuelle, elle nous montre un chemin de confiance dans la souffrance, elle a vécu la sainteté dans les petites choses de la vie quotidienne, a éprouvé aussi le doute par rapport à son engagement.” C’est ce qui la rend si proche et inspirante encore pour nous aujourd’hui.
Cette année 2024 sera donc triplement marquée par le 120e anniversaire de la mort de la Bienheureuse, le jubilé du 30e anniversaire de sa béatification et la translation de ses reliques à la paroisse de Saint-Gilles. La célébration du dimanche 30 juin sera présidée par Mgr Jean-Pierre Delville, en présence de Damien de Laminne de Bex, Lieutenant de l’Ordre équestre du Saint-Sépulcre pour le Royaume de Belgique et d’une délégation de l’Ordre.
Auteur: Sophie DELHALLE