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Les processions ont-elles fait leur temps ? Ou au contraire, sont-elles plus que jamais d’actualité? Doit-on exprimer notre foi dans les rues ? Comment ? Échange entre Jacques Galloy et Jean-Pierre Pire. 

Pour Jacques Galloy, membre de l’équipe organisatrice des festivités de la Fête-Dieu, “les processions sont l’expression d’une Église, d’un peuple qui marche ensemble, qui montre aussi son amour et son respect pour la ville”. (c) JGalloy

Je me revois petit garçon avec mon papa à attendre, flambeau en main, le départ de la procession vers Saint-Martin”. Tels sont les tout premiers souvenirs de Jean-Pierre Pire, doyen de Liège, en lien avec la Fête-Dieu. A l’âge de 10 ans, le petit Jacques Galloy s’évadait en vélo aux étangs de la Julienne: “J’habitais dans un appartement à Visé, au-dessus du magasin de ma maman. J’avais besoin d’espace. C’était mon jardin.” Mais c’est à l’âge de 35 ans, lors d’une retraite à Paray-le-Monial, que Jacques et son épouse entendent parler de sainte Julienne pour la première fois. Ce fut l’événement déclencheur : “En discutant avec mon beau-père, nous apprenons que la sainte est très présente dans notre histoire familiale”. Depuis lors, Jacques est un fervent promoteur de la sainte et de la Fête-Dieu, cette “fête extraordinaire dans l’Église qui puise ses racines à Liège”, il a par ailleurs accepté de relever le sanctuaire de Sainte-Julienne à Cornillon il y a huit ans. 

Rendre le mystère visible 

La procession de la Fête-Dieu, manifestation très populaire dont l’édition jubilaire de 1946 en cortège fluvial sur la Meuse avait marqué les esprits, a toutefois disparu pendant plusieurs décennies avant de renaître en 2014. Pour le doyen de Liège, ressusciter une telle procession n’allait pourtant pas de soi: “Nous avons tout d’abord relancé une célébration à la collégiale Saint-Martin avant de faire revivre une procession. C’était et c’est toujours une vraie question pour moi : comment, dans une société sécularisée, montrer de manière visible et non ostentatoire ce qui est au cœur de notre vie?” Aussi, expliquer au tout-venant que la présence du Christ dans un petit bout de pain est la chose la plus sublime suppose une bonne dose de pédagogie. “Il faut qu’une procession rende ce mystère visible tout en respectant la liberté de ceux qui vont nous regarder passer. Une procession n’est pas une marche pour revendiquer des droits” souligne le doyen, pour qui, toutefois, cette présence réelle de Jésus dans l’hostie portée dans les rues, c’est “Jésus qui s’intéresse à la vie de nos quartiers”. 

Rapprochements inattendus

Comment faire au mieux pour proposer et non imposer ? Tel serait bien le défi actuel. Jean-Pierre Pire se réjouit par ailleurs de l’intégration des communautés catholiques étrangères dans la procession depuis l’année dernière. “Exprimer leur foi dans la rue est une incroyable opportunité qui leur est parfois refusée dans leurs pays d’origine”. Le doyen évoque aussi l’esprit bon enfant et la bienveillante collaboration des motards de la police de Liège. Sur son passage, la procession permet ainsi d’ouvrir des portes de dialogue, parfois inattendues. Dialogue qui se vit également entre catholiques de sensibilités différentes dans l’incroyable travail d’équipe autour de l’organisation de la Fête-Dieu, dont peuvent témoigner nos deux interlocuteurs. 

Conception révolutionnaire

En son for intérieur, Jean-Pierre Pire rêve d’une procession de type historique avec des tableaux de la vie de sainte Julienne reconstitués sur des chars. Pour rejoindre le grand public et susciter de l’empathie pour cette femme “qui a profondément modifié la manière de vivre la liturgie au Moyen-Age” à une époque où beaucoup attribuaient des pouvoirs magiques aux hosties consacrées, et les “fourraient” dans leur poche plutôt que de les manger, les considérant comme un talisman. “Sainte Julienne va montrer que Jésus, ce n’est pas quelqu’un que l’on prend, mais quelqu’un que l’on regarde”. Une conception révolutionnaire de l’eucharistie, d’une présence que l’on peut regarder en dehors de la messe. Jacques Galloy souhaiterait pour sa part revivre une parade nautique, et renforcer le double caractère priant et joyeux de la Fête-Dieu.  

Témoignage contemporain

Aujourd’hui multiculturelle et intergénérationnelle, la procession liégeoise de la Fête-Dieu a su évoluer et se renouveler. Depuis quelques années, la procession est notamment suivie d’une veillée Nightfever à la cathédrale. 

Aux sceptiques qui affirment que les processions sont d’un autre âge, Jacques Galloy répond que c’est la manifestation la plus contemporaine du vivre-ensemble, “les processions ont plus que jamais du sens”, elles sont l’expression d’une Église, d’un peuple qui marche ensemble, qui montre aussi son amour et son respect pour la ville. “Pourquoi devrions-nous vivre cachés?” interroge Jacques Galloy. Pour nos deux invités, faire une procession “avec qui nous sommes” est un témoignage important. “A la fin de chaque procession, je vois des gens heureux, d’avoir chanté, de s’être rencontrés, cela m’émeut toujours” confie le doyen. Aux réfractaires qui pensent que les processions sont dépassées, Jean-Pierre Pire n’a qu’une invitation à formuler : “Venez le vivre!

Les festivités de la Fête-Dieu se déroulent du 26 mai au 2 juin 2024. Programme complet sur evechedeliege.be ou www.liegefetedieu.be

Fête dieu 2024

Texte: Sophie DELHALLE