Des hommes, des femmes, des laïcs, des ministres ordonnés, des jeunes et moins jeunes, hétéros ou homos… Ils et elles font partie du groupe de réflexion « Foi et Homosexualité ». Michel et Bénita ont accepté de nous expliquer leur motivation à réfléchir sur cette thématique encore sensible dans l’Eglise universelle.
Anne Van Linthout, du Service des couples et des familles qui encadre ce groupe de réflexion, a questionné Michel Elias et Bénita Mutoni, pour comprendre leur motivation et leur intérêt à nourrir la réflexion sur une thématique encore sensible.
Qu’est-ce qui vous a motivé à rejoindre ce groupe ?
Michel: Je fais partie de la Communauté du Christ Libérateur, association de personnes LGBT chrétiennes créée en 1974. C’est un lieu d’approfondissement de la foi et de libération de la honte et des images négatives de soi souvent héritées de la religion. Nous souhaitons témoigner dans le milieu LGBT qu’il n’est pas incompatible d’être homosexuel et chrétien et sensibiliser les Eglises chrétiennes sur le fait qu’il existe en leur sein des personnes LGBT qui sont invisibilisées et parfois même ostracisées. Il était donc tout à fait naturel pour nous de répondre favorablement à cette initiative.
Bénita : Chacun devrait être accueilli et reconnu au sein de l’Eglise. Malheureusement ce n’est pas toujours le cas. Pour moi, rejoindre ce groupe représente une manière proactive de remédier à cette situation.
Quels sont pour vous les enjeux d’un tel groupe au sein d’un diocèse ?
Bénita: L’un des plus importants est sans doute de donner de l’espoir et de l’importance aux personnes qui ont été marginalisées par l’Eglise. La diversité est une richesse ! Chacun, quelle que soit sa situation, a sa place et son rôle à jouer au sein de la communauté ecclésiale.
Michel : L’Eglise a trop longtemps parlé de nous sans nous connaître ! Si on veut penser une pastorale pour des personnes, il faut les associer, les rencontrer, les voir et au moins les aimer. Rien pour nous sans nous ! Je trouve que le diocèse de Liège montre la bonne attitude en nous associant à sa réflexion ; c’est un enjeu pour l’Eglise universelle, un enjeu pour l’évangélisation.
Le groupe s’est donné différentes pistes à mettre en œuvre. Quelles sont celles qui vous parlent le plus ?
Michel : Des tas de chantiers s’ouvrent ! Que faut-il faire pour les parents confrontés à l’homosexualité de leur enfant ? Que faire pour les personnes transgenres et leur entourage ? Comment penser la diversité de cet univers et ne pas créer de nouvelles discriminations ? Comment aider les paroisses à être plus inclusives ? Comment parler aux jeunes de ces questions ? Tout est important mais l’essentiel est de manifester que dans l’Eglise l’amour de Dieu est pour toutes ses créatures.
Bénita: La piste retenue qui me parle le plus est « la sensibilisation ». Il est essentiel que chacun prenne conscience des préjugés et des attitudes blessantes qui peuvent exister. C’est un premier pas indispensable vers le changement.
Si l’Eglise a longtemps tenu un discours désincarné sur la condition des couples homosexuels, le groupe “Foi et Homosexualité” élabore une nouvelle approche.
Que pensez-vous de « Fiducia Supplicans »* ?
Michel: Nous avons reçu ce document comme un cadeau de Noël ! Pour la première fois un texte officiel parlait des couples homosexuels comme comportant une valeur, on pouvait donc “en dire du bien” ! Dans les jours qui ont suivi, nous nous sommes rendus compte des oppositions qui ont surgi, dans des diocèses conservateurs, notamment en Europe ou en Afrique. N’oublions pas que dans plusieurs pays, la situation des homosexuels est dramatique…Ce texte est peut-être un ballon d’essai destiné à faire réfléchir. Le pape François fait tout ce qu’il peut pour insuffler à l’Eglise le goût d’un plus grand accueil des pauvres, des exclus, des marges… A nous de renouveler notre foi dans l’amour inconditionnel de Dieu.
Bénita : C’est un pas en avant pour certaines communautés. Mais pas pour le diocèse de Liège qui était déjà plus loin dans sa réflexion. Au niveau mondial, cela a certainement ouvert la voie à des discussions cruciales.
Un souhait pour l’avenir ?
Bénita: Que ce groupe devienne obsolète ! Alors l’Eglise serait un lieu où chacun se sentirait pleinement accepté et intégré. Notre travail d’aujourd’hui contribue à créer cette réalité à venir.
Michel: L’Eglise belge se montre très ouverte aux questions LGBTQIA+. C’est un défi important ! Les avancées pastorales sont importantes mais elles ne dispenseront pas d’une réflexion profonde sur la doctrine en matière de sexualité. Le milieu LGBTQIA+ peut être une ressource dans ces questionnements sur ce qui fait la valeur des amours humaines. Mon autre souhait serait de ne plus être des passagers clandestins dans le navire Eglise ! Nous avons tous notre rôle à jouer dans la construction du Royaume.
* déclaration du Dicastère pour la Doctrine de la foi publiée le 18 décembre 2023 autorisant la bénédiction non sacramentelle par un prêtre de couples considérés par l’Église catholique comme étant « en situation irrégulière » et de couples homosexuels.
Texte: Propos recueillis par Anne Van Linthout (Service diocésain Couples et Familles)