Les opérations ont débuté tôt ce matin à l’église Saint-Nicolas. Une dizaine d’étudiants de l’Ecole Supérieur des Arts de Saint-Luc ont pu expérimenter les conditions réelles d’une intervention sur un vaste chantier de restauration. Une belle opportunité, malheureusement rendue possible par l’urgence de la situation.
Photo: une étudiante de Master spécialisation peinture de l’ESA imbibe de manière très appliquée avec de la colle du papier japonais afin de protéger les craquelures de la toile du maître-autel de l’église Saint-Nicolas en Outremeuse. (c) Sophie DELHALLE
9h. Après avoir affronté la pluie battante sur une partie du chemin, nous arrivons à l’église Saint-Nicolas en Outremeuse où nous attendent étudiants et professeurs de l’Ecole Supérieure des Arts de Saint-Luc, déjà affairés autour du maître-autel. Les enseignants élaborent un premier diagnostic, “c’est plus important que ce que l’on pensait“, annonce Delphine Gourdon, du Service patrimoine du diocèse.
La toile de lin doublée pèse approximativement entre 65 et 80 kg, il faudra tout à l’heure de nombreuses paires de bras pour pouvoir la maintenir et l’agrafer sur le cadre. “C’était déjà étonnant qu’elle ne se soit pas complètement effondrée” s’exclame Delphine qui ne cesse de faire des allers-retours, décroche son téléphone, apostrophe son collègue qui a déjà pris de la hauteur, le rejoint, part chercher du matériel dans son véhicule, donne ses instructions aux élèves… On sent que l’affaire est sérieuse.
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Du provisoire appelé à durer
Sur place, Delphine est secondée par deux collègues de l’ESA, Nico Broers et Sophie Moreaux. “En agrafant la toile, nous allons perforer la couche picturale de petits trous, mais nous n’avons pas d’autre choix” explique Delphine à ses étudiants, visiblement captivés.
En ce début de matinée, la priorité est tout d’abord de “panser les plaies” car, en raison d’une forte oxydation, le textile à l’origine souple est devenu rigide et donc cassant, et sur toute la longueur de la pliure, à l’arrière de la toile, les dégâts sont importants.
Sous l’oeil de la caméra de la télévision locale liégeoise et de leur professeure Sophie Moreaux, les étudiants restent concentrés sur leur tâche. (c) Sophie DELHALLE
Aussi, la couche picturale présente différentes craquelures, que deux étudiantes de Master en spécialisation peinture, très appliquées, recouvrent de papier japonais et de colle cellulosique. “En restauration, toute intervention doit pouvoir être réversible” précise Delphine Goudron, d’où le choix précis des matériaux. Le temps presse malheureusement, et l’équipe n’a pas le luxe de l’habituelle méticulosité, pour autant, chaque geste est concerté, chaque décision discutée. Car l’on veut s’assurer que ce qui ne doit être que provisoire puisse durer … le temps qu’il faudra !
Des étudiants très appliqués
On perçoit un certain émerveillement, ou plutôt de l’excitation dans le chef des étudiants de Bac 2, qui observent le moindre détail de l’édifice, posent de nombreuses questions et tentent même une exploration derrière le maître-autel, pour découvrir l’envers du décor. “C’est trop chouette“. Accéder en cours d’étude à un chantier comme celui-ci est en effet plutôt rare. Mais il n’est pas question de se la “jouer touriste”, tout le monde met la main à la pâte. Tandis que les élèves de Master ont pris d’assaut l’échafaudage, les élèves de Bac 2 découpent les bandes de film adhésif et de tissu qui viendront renforcer les blessures de la toile sur son envers. Puis s’emparent des fers à repasser pour chauffer les bandes. Une caméra de la télévision locale s’est également invitée sur le chantier, les élèves sont filmés en plein travail, sans pour autant se laisser déconcentrer.
A l’heure où nous avons quitté les lieux, la toile n’était pas encore raccrochée, cette dernière étape a pu être effectuée dans le courant de l’après-midi. Et ce ne fut pas une mince affaire, au vu du poids et de l’épaisseur de la toile doublée. L’ensemble de l’opération aura donc duré plus de 7 heures et nécessité la participation d’une dizaine de personnes. La toile du maître-autel est désormais sécurisée, mais Delphine Gourdon espère vivement que des fonds pourront être débloqués pour sa complète restauration.
Reportage photographique complet à découvrir sur la page Facebook du diocèse de Liège – Bistum Lüttic
Delphine Gourdon et son collègue Nico Broers en repérage sur la zone d’intervention. (c) Sophie DELHALLE
A la fin de cette journée, l’équipe de bénévoles peut être fière du travail accompli. La toile est désormais sécurisée mais attend sa complète restauration. (c) Delphine Gourdon
Texte: Sophie DELHALLE