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Le groupe de Dombes vient de publier une véritable somme sur le concept de catholicité. “Un ouvrage érudit, très argumenté, porteur d’avenir”, nous présente Mgr Jean-Pierre Delville qui a notamment contribué à la partie historique. 

 

Mgr Delville se réjouit de pouvoir lire le résultat final de sept années de travaux avec le groupe de Dombes. DR

Le groupe de Dombes a été fondé en 1935 par l’abbé Paul Couturier et le pasteur bâlois Richard Baümlin pour favoriser le dialogue entre protestants et catholiques. C’est en 2010 que Mgr Delville, à l’invitation de Joseph Famerée, professeur d’ecclésiologie à l’UCLouvain, rejoint le groupe. “Il manquait un historien et il en fallait un avec une sensibilité oecuménique”. 

Le groupe de Dombes réunit aujourd’hui 20 experts protestants et 20 experts catholiques qui se retrouvent chaque année fin août pour une semaine d’échanges, de discussion, d’approfondissement et de prière. “Pour vivre un oecuménisme du concret”. Depuis de nombreuses années, le groupe a publié différents volumes où protestants et catholiques croisent leurs regards sur des thématiques diverses ; parmi les plus récentes, citons la Vierge Marie ou le Notre Père.

Le tout dernier volume vient de sortir de presse, il s’agit d’une véritable somme érudite, fruit de sept longues années de travaux collectifs, consacrée à la catholicité. Qui tente de répondre à la question suivante : “Comment comprendre la catholicité des églises tant protestantes que catholiques romaines?” En effet, toutes les confessions chrétiennes se réfèrent au même symbole de Nicée-Constantinople qui définit l’Eglise comme “une, sainte, catholique et apostolique”. Ainsi, “tout le monde croit en une église catholique mais qu’est-ce que cela veut dire pour les protestants?” nous interpelle Mgr Delville. L’ouvrage aborde cette question sous trois angles : biblique, historique et oecuménique. 

Du néologisme antique à l’affirmation identitaire

“On constate que le mot catholique est totalement absent de la Bible. Néanmoins, les différentes significations qui lui sont associées – universalité, unité, réseau d’unité entre communautés du monde entier – sont quant à elles bien présentes” développe Mgr Delville. Et cette dimension a été creusée tant dans l’Ancien que le Nouveau Testament pour faire résonner toutes les harmoniques du mot catholique. “Dans la tradition de l’Eglise, et ce dès le 2e siècle, la catholicité est une merveille d’unité que découvrent les chrétiens éparpillés dans tout le pourtour méditerranéen, de Tarragone en Espagne, de la cité d’Hippone en Tunisie, d’Alexandrie en Egypte ou encore de Babylone, des chrétiens de cultures si différentes professent la même foi, le même engagement.”

Durant l’Antiquité, la catholicité est donc vécue comme l’universalité de la foi qui unit les chrétiens de tous bords. Tout va basculer quelques siècles plus tard, lors de la grande division survenue au moment de la Réforme. “Les protestants comme Luther n’avaient en réalité pas la volonté de se séparer mais de réformer l’Eglise. Malheureusement, le dialogue a finalement été rompu et des églises autonomes ont vu le jour. Aujourd’hui encore, les protestants s’affirment comme Eglise Réformée et non comme nouvelles églises. Il y a toujours cette volonté d’unité” tient à souligner Mgr Delville qui a rédigé le chapitre sur le 16e siècle en collaboration avec la théologienne protestante Elisabeth Parmentier.

Réunion du concile en l’église Santa Maria Maggiore de Trente. Musée diocésain de Trente

Le Concile de Trente marquera donc le véritable tournant dans la redéfinition du mot catholique. Car, ce terme est en réalité un néologisme inventé par les chrétiens, un mot qui n’existait pas en grec classique (signifiant littéralement “suivant le tout”) et qui fut traduit en latin par catholicus. “On aurait pu le traduire par universalis/universel mais cela n’a pas paru assez explicite et trop restreint pour les traducteurs de l’époque.”

Lors du Concile qui se réunit par intermittance de 1545 à 1563, l’Eglise emploie désormais ce terme de manière identitaire pour qualifier sa doctrine et se construire “contre l’autre”. “Le mot catholique devient un peu le label de l’Eglise qui de latine prendra le nom de catholique romaine” précise notre évêque. Les protestants vont dès lors assez naturellement rejeter le terme catholique pour lui préférer celui d’universel.

“Par ailleurs, Luther que j’ai étudié dans le cadre de mon doctorat affirmait “nous sommes catholiques” dans le sens “nous avons une portée universelle”. Mais dans les faits, les Eglises protestantes sont devenues régionales et nationales. Tandis que l’Eglise catholique a conservé sa dimension universelle d’un point de vue géographique avec toutes les missions déployées sur le globe.” 

Des catholiques en réforme, des réformés sur la voie catholique

Les protestants vont petit à petit redécouvrir cette dimension universelle, catholique de la foi, avec l’envoi de leurs propres missions à travers le monde à partir du 19e siècle. Et se réapproprier ce vocabulaire – et cette originalité de la foi chrétienne – en le dépouillant de sa valeur juridique. Cet ouvrage du groupe de Dombes sur la catholicité permet tant aux catholiques de s’engager sur la voie de la réforme qu’aux réformés d’embrasser à nouveau la voie catholique. “C’est amusant car nos travaux entamés il y a de nombreuses années rejoignent clairement les intuitions du synode en cours dans l’Eglise catholique” observe notre évêque. 

L’ouvrage aux textes très approfondis s’adresse plus volontiers à un public averti, néanmoins, la partie biblique et les conclusions théologiques croisées restent largement accessibles. Autre aspect important de cette contribution : le chapitre sur le dialogue œcuménique constitue une documentation précieuse sur les cinquante dernières années. “Cela permet de se rendre compte que, contrairement à ce que certains pensent, l’œcuménisme ne stagne pas, ça bouge, c’est encourageant, notamment de constater que la déclaration d’Augsbourg de 1999 sur la justification par la foi, accord bilatéral entre luthériens et catholiques, est désormais ratifiée par une quinzaine d’autres églises.”

Notre évêque est aussi heureux de voir qu’une thématique qui a pu diviser les chrétiens au 16e siècle contribue à les rapprocher aujourd’hui. “Participer aux travaux du groupe de Dombes me nourrit, ça me fait aussi réfléchir, je me réjouis de lire le livre dans son intégralité, même si j’ai  collaboré à l’ensemble des chapitres.” Monseigneur Delville espère bien pouvoir prolonger cet ouvrage par quelques conférences ou en abordant ce thème de la catholicité lors de futures retraites et journées de formation.

Sophie DELHALLE

Pour commander le livre : https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/20402/De-toutes-les-nations
Quelques exemplaires seront également disponibles à la vente dans une quinzaine de jours à la librairie Siloë Liège, rue des Prémontrés, 40.