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Vendredi 12 janvier, autorités civiles et militaires, corps diplomatiques et patriotiques, élèves et professeurs, et bien évidemment les descendants de Walthère Dewé étaient réunis dans la chapelle Saint-Maurice, rue Coupée, pour rendre hommage au grand résistant liégeois dont nous commémorions le 80e anniversaire de la disparition. 

Malgré un froid polaire, ils étaient nombreux à avoir répondu à l’invitation pour cette cérémonie du 80e anniversaire de l’assassinat de Walthère Dewé, résistant de 14-18 et 40-45, dans la chapelle où il repose avec son épouse, sur les hauteurs de Liège. 

En guise d’introduction, Olivier Hamal, président du Bastion qui organise cette célébration mémorielle chaque année, a tout d’abord pris la parole. Mgr Jean-Pierre Delville a ensuite retracé le parcours de ce grand résistant, également fervent croyant. C’est pourquoi notre évêque a choisi d’intituler son intervention “Religion et résistance”.
Au début de sa prise de parole, Mgr Delville a souhaité souligné l’aspect dramatique de l’histoire. “Nous nous trouvons en un lieu historique. Ce lieu bucolique est aussi un lieu dramatique. Pas seulement un mémorial, mais une maison qui a vu vivre un héros, Walthère Dewé, une maison où la GFP (Geheime Feldpolizei) est descendue plusieurs fois, a menacé et ‘cuisiné’ l’épouse de Walthère Dewé, et où elle a arrêté deux de ses filles, qui furent déportées en Allemagne à la prison de Ravensbrück, où l’une est morte“.

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Fils unique de parents chrétiens, Walthère Dewé fréquentera le Collège Saint-Servais, où il sera toujours parmi les trois premiers de classe. Il se construit une cabane dans le jardin, pour travailler et méditer en paix. Mgr Delville brosse ainsi le portrait du jeune homme qui deviendra, à deux reprises, chef d’un service secret de renseignement lors des deux guerres mondiales. Il étudiera les évangiles, les pères de l’Eglise, les scolastiques et les philosophes modernes.

Le 5 octobre 1936, il écrit à Léopold Levaux, collègue de travail, homme de lettres, converti à la foi chrétienne sous son influence: « Il y a deux choses pour lesquelles tout fidèle doit vivre et combattre jusqu’au sang : c’est la justice et c’est la liberté ». Avant cela, alors que le premier conflit mondial vient de s’achever, Walthère Dewé sera créé Commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique par George V. En effet, les informations fournies quotidiennement par le réseau de la Dame Blanche auront sensiblement orienté la conduite des opérations militaires par les troupes britanniques. 

Des religieux en résistance 

Même en temps de paix, Walthère Dewé reste un homme de combats ; il s’opposera vivement au Rexisme de Léon Degrelle, avec l’aide de Léopold Levaux, avec qui il fonde un groupe chrétien antifasciste Unitas catholica.

En évoquant les évènements liés à la seconde guerre mondiale, Mgr Delville se permet une parenthèse sur le théologien allemand protestant Dietrich Bonhoeffer qui paya de sa vie son opposition à Hitler. Le tournage du biopic qui lui est consacré a par ailleurs eu lieu à Liège il y a un peu plus d’un an. De son côté, dès septembre 1939, Walthère Dewé fonde le Corps d’observation belge qui observe les préparatifs de la guerre en Allemagne. Le 18 juin 1940, Walthère Dewé et Hector Demarque mettent sur pied le réseau Clarence selon une structure hiérarchique organisée en sections locales, munies d’un conseil de direction. Le principe de cloisonnement sera érigé en règle absolue. Chaque futur agent devra prêter serment devant Dieu ; des membres du clergé rejoindront le réseau : l’abbé Louis De Lamotte, l’abbé Paul Firket, l’abbé Jean Demolin et l’abbé Jules Mossay entre autres. 


Mgr Delville se recueille devant la tombe de Walthère Dewé et de son épouse. (c) Anne d’Huart

 Un modèle à suivre   

Le réseau pourra compter sur la collaboration de près de 1500 agents. Walthère Dewé ne fait que de rares apparitions chez lui, rue Coupée, à Liège, et parcourt le pays à la recherche de nouvelles recrues. A chaque endroit où il loge, il se démène aussi pour recevoir la communion.
Le réseau subit bien entendu des pertes mais, en janvier 1943, c’est un drame personnel qui frappe Walthère : le décès inopiné de son épouse, foudroyée par une crise cardiaque. Un an plus tard, le 7 janvier 1944, ses deux filles sont arrêtées puis déportées à Ravensebrück, l’une d’elle ne reviendra pas. Portant secours à l’un de ses agents sur Bruxelles, Walthère Dewé est arrêté à son tour et conduit à la prison de Saint-Gilles dont il parvient à s’échapper. La police allemande l’abat dans sa fuite. Mais ne parviendra pas à l’identifier … 

En guise de conclusion, Mgr Delville rappelle que la paix acquise par les efforts de Walthère Dewé et de tous ses agents reste fragile dans le monde d’aujourd’hui. Et que les vertus du résistant Dewé sont plus que jamais d’actualité.

Après cette intervention magistrale, trois élèves du Lycée Léonie de Waha et de l’Institut Marie-Thérèse ont lu quelques témoignages avant que la sonnerie des trompettes n’invite les participants à déposer leur gerbe de fleurs sur la tombe de Walthère et de son épouse, dans la crypte. La célébration s’est achevée par un vin d’honneur. 

Texte: Sophie DELHALLE