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Les Archives de l’Evêché de Liège renferment d’incroyables pépites méconnues du grand public et parfois aussi des spécialistes. Avec l’aide de l’archiviste diocésain, Christian Dury, nous vous proposons d’en dépoussiérer quelques-unes et de vous les présenter. Nous avons choisi d’inaugurer cette série avec une improbable trouvaille: un album de vignettes des évêques conciliaires datant de 1869-1870. 

Pour cette série dont la vocation est de mieux faire connaître les trésors conservés aux Archives de l’Evêché de Liège, nous nous sommes fiés au flair de Christian Dury qui a ressorti pour nous cette incroyable galerie de portraits de (presque) tous les évêques convoqués lors du Concile Vatican I. “C’est comme un album Panini” sourit l’archiviste. Ce document exceptionnel par sa rareté, son originalité, son format et son contenu nous plonge au coeur du 19e siècle, à une époque où l’Eglise entame un tournant de son histoire. 

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Faisant partie des collections de la Société d’Art et d’Histoire du Diocèse de Liège (S.A.H.D.L.), cet “Album monumentale del Concilio ecumenico vaticane” a d’emblée suscité notre curiosité et son existence pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. En effet, on ignore comment ce document a atterri chez nous. “A-t-il été ramené par Mgr de Montpellier (évêque de Liège à l’époque du concile)? Est-ce un cadeau de Mgr Xavier de Mérode (camérier secret du pape Pie IX) aux évêques belges?” s’interroge notre archiviste liégeois, sans aucune certitude possible.

Témoin précieux de l’histoire de l’Eglise universelle 

En effectuant quelques recherches sur internet, nous avons découvert l’existence d’un “Album illustratum autographorum pontificis Pii IX Concilio ecumenico vaticano”, mais pas de trace de notre document en question. Ceci ne prouve rien, mais nous indique que cet ouvrage n’a pas du circuler en un grand nombre d’exemplaires. Ce ‘Who’s who’ a-t-il été constitué en amont du concile pour permettre aux évêques de se reconnaître lors des assemblées romaines ? En tous les cas,  il est assez remarquable pour l’Eglise d’avoir mis au service de cet évènement une invention aussi récente et révolutionnaire qu’était alors la photographie. 

Sur cette page de l’album conciliaire, se côtoient les patriarches de Constantinople, d’Alexandrie et d’Antioche. Quelques vignettes sont manquantes. (c) Sophie DELHALLE

S’il reste entouré de bien des mystères quant à sa provenance et sa destination (le prix de 200 fr inscrit à l’intérieur de la couverture confirme qu’il s’agissait d’un ouvrage de luxe destiné à un public aisé, reste toutefois à déterminer de quand date cette étiquette), cet album n’en est pas moins instructif et ouvre une fenêtre extraordinaire sur les “visages” qui constituent l’Eglise – déjà universelle – de cette fin de 19e siècle quelque peu chahuté. Rappelons que les travaux du Concile sont interrompus par l’invasion des troupes italiennes. La France et l’Allemagne entrent également en conflit en juillet 1870. 

L’empreinte de l’épiscopat belge sur le concile Vatican I

A côté des évêques italiens, américains, orientaux aux noms très ‘exotiques’, figurent les portraits de nos évêques belges : Mgr Labis (Tournai), Mgr de Montpellier (Liège), Mgr Brack (Gand), Mgr Faict (Bruges) (erronément baptisé Fajet), Mgr Gravez (Namur) et Mgr Deschamps (archevêque de Malines). Ce dernier joue un rôle prépondérant au concile notamment dans la rédaction des deux grandes constitutions du concile Dei Filius, sur les rapports entre la foi et la raison, et Pastor æternus définissant l’infaillibilité du pape dont il est l’un des grands partisans avec le cardinal Manning. Mgr Dechamps va imprimer une marque profonde sur la rédaction finale du texte. Suite à ses interventions publiques, il est par ailleurs élu membre de la députation de Fide et nommé par le pape lui-même membre de la congrégation qui doit étudier les demandes adressées au concile et l’éclairer. On peut donc affirmer que son rôle fut déterminant d’un point de vue apologétique.

Tous les évêques belges participeront au Concile : l’évêque de Liège, Théodore-Alexis de Montpellier (épiscopat :1852-1879) y est élu membre de la commission pour la discipline ecclésiastique, où, de concert avec ses collègues de Belgique, il adresse au concile des demandes qui portent sur une dizaine de matières disciplinaires ; le 3 janvier 1870, il est l’un des quarante évêques à proposer de demander au Pape que la question de l’infaillibilité soit proposée au concile. Il faut également noter que Mgr Théodore-Joseph Gravez, bon théologien, s’y montre un fervent partisan de la doctrine de l’infaillibilité pontificale. Signalons encore que, dans cet improbable trombinoscope conciliaire, apparait Mgr Xavier de Mérode, cité plus haut. 

Chaque mois, découvrez une nouvelle pépite des Archives de l’Evêché. Rendez-vous en février sur le site et la page Facebook du diocèse et bientôt sur le nouveau compte Instagram ! 


Mgr Labis, évêque de Tournai (1792-1872)
 


Mgr Bracq, évêque de Gand (1804-1888)


Mgr Xavier de Mérode (1820-1874)


Mgr Deschamps, archevêque de Malines (1810-1883)


Mgr Gravez, évêque de Namur 


Mgr de Montpellier, évêque de Liège (1807-1879)


Mgr Faict, évêque de Bruges (1813-1894)

Texte: Sophie DELHALLE avec la précieuse collaboration de Christian Dury, archiviste diocésain, et de Luc Courtois, professeur émérite de l’UCLouvain