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Le dernier numéro de la collection “Trésors” éditée par l’asbl “Traversé d’une oeuvre” est consacré au buste-reliquaire de saint Lambert conservé au Trésor de Liège. Une pièce monumentale, exceptionnelle et classée qui n’a pas fini de fasciner les chercheurs.  

La professeure Dominique Allart (ULiége), spécialiste de l’art du XVIe siècle dans la principauté de Liège, a donc accepté de revisiter le dossier d’une œuvre emblématique du patrimoine liégeois, l’impressionnant buste-reliquaire de saint Lambert conservé au Trésor de Liège. Cette pièce d’orfèvrerie en argent repoussé, ciselé et gravé, en partie doré et peint, est montée sur une âme de bois et ornée de gemmes, de perles et de verreries. Ceux-ci ont par ailleurs fait l’objet d’une étude poussée par le département de géologie (minéralogie et cristallochimie) de l’ULiège il y a quelques années.

Réalisé à Aix-la-Chapelle par l’orfèvre Hans von Reutlingen, ce reliquaire raconte la vie du saint patron du diocèse de Liège et abrite la calotte crânienne du saint dont Mgr Delville a tout récemment autorisé l’autopsie par le professeur et directeur de l’Institut médico-légale Philippe Boxho


Le crâne de saint Lambert dans son écrin extrait du buste reliquaire lors de l’ouverture de la châsse du martyr le 16 octobre 2023. (c) Sophie DELHALLE

Rescapé de l’histoire  

Dernier des grands chefs-d’œuvre d’orfèvrerie religieuse du Moyen Age, il est aussi le plus grand buste-reliquaire gothique de l’époque tardive conservé en Europe même s’il n’échappe pas à l’influence du style Renaissance. Il fait également partie des pièces qui ont échappé à la fureur révolutionnaire, particulièrement sévère à Liège. Et c’est grâce à l’intervention du premier consul Bonaparte que le buste-reliquaire échappe de justesse à la vente aux enchères.  

Il impressionne tout d’abord par sa taille : plus d’1,50 m. C’est donc une effigie plus grande que nature dont l’éclat et la préciosité captive inévitablement le spectateur. Et c’était d’ailleurs le but recherché tant par l’orfèvre que le commanditaire. La mitre est amovible, de sorte que la calotte crânienne peut être retirée du buste-reliquaire assez aisément. Et ce fut le cas en octobre 2023, lorsque Mgr Delville autorisa l’étude anthropométrique des reliques de saint Lambert. Pour l’anecdote, avant que le crâne ne rejoigne le buste-reliquaire, il fut exposé aux Liégeois en 1489 pour éloigner la guerre, exhibé au jubé de la cathédrale par l’abbé de Stavelot.

La virtuosité technique déployée par l’orfèvre – révélée par la restauration complète de l’oeuvre en 1971-73 par l’IRPA – dans le souci du détail est simplement prodigieuse. Il apparaît que le visage de saint Lambert aurait présenté à la sortie de l’atelier une face dorée. Mais l’état actuel des connaissances ne permet pas de dater avec certitude l’époque à laquelle le visage fut recouvert de peinture. Si elle fut sauvée des remouds de l’histoire, l’oeuvre a néanmoins subi les affres du temps, certains éléments d’origine ont ainsi disparus et été remplacés.

Un commanditaire de “Marck”

Sur le socle, une farandole de personnages dont six évêques de Tongres-Maastricht: saint Materne, saint Servais et saint Hubert sont clairement identifiables. Les différents tableaux représentent des épisodes de la vie de saint Lambert, de son enfance jusqu’à la vénération de ses reliques. Le commanditaire, le prince-évêque Erard de la Marck (1505-1538) fournit 10kg d’or et d’argent pour la réalisation de l’œuvre, où il s’est également fait représenter, agenouillé devant un crucifix. L’idée d’offrir au crâne de saint Lambert un reliquaire digne de ce nom était bien antérieure au 16ième siècle. Mais il aura fallu attendre l’ambitieux Erard pour qu’elle voit le jour.

La commande du buste-reliquaire est annoncée le jour même de son élection ! Afin d’exprimer sa profonde dévotion à son saint prédécesseur, mais aussi, disons-le, afin de marquer les esprits et de renforcer l’aura de la fonction qu’il venait de revêtir. Le reliquaire fut porté en procession pour la toute première fois en 1512 et le prince-évêque parvint à imposer une fête de la Translation de saint Lambert, devenue facteur de cohésion urbaine pendant tout l’Ancien Régime. Symbole de la patrie liégeoise, le buste-reliquaire est aujourd’hui encore offert à la dévotion populaire, dans la cathédrale, à l’occasion de la fête patronale du saint le 17 septembre.

 Signalons par ailleurs que la pièce monumentale devra momentanément quitter le deuxième étage du Trésor de Liège en raison de l’installation d’un chantier sous toitures. L’œuvre restera bien entendu visible pour le public pendant toute la période de travaux.

Un texte clair mais pointu, de magnifiques et nombreuses reproductions photographiques de l’œuvre sous toutes ses coutures, une apparat critique fournie et un format facile à manipuler, cette brochure possède toutes les qualités requises pour séduire un large public, amateur d’art et d’histoire. 

Texte: Sophie DELHALLE