Contactez-nous

L’association “Unity Club-Intwararumuri”, fondée en 1996, a honoré sept individus pour leurs actions héroïques durant le génocide perpétré contre les Tutsis du Rwanda en 1994, dont l’abbé Pierre Simons, décédé en 2020.

 

Lors du 16ème congrès de l’association Unity-Club, qui rassemble des leaders du gouvernement rwandais et leurs conjoints dans le but de “Promouvoir une culture d’unité et de paix, piliers d’un développement durable”, sept personnalités ont été reconnues en tant que “Justes” ou “Abarinzi b’Igihango” en langue nationale.

Parmi ces sept “Justes”, quatre sont des étrangers dont deux Belges, aujourd’hui décédés, Marie Jeanne Noppen et l’abbé Pierre Simons dont voici les portraits. 

Une directrice qui résiste aux intimidations

Originaire d’une famille de missionnaires, Marie Jeanne Noppen (1921-2007) est arrivée au Rwanda en 1952, appelée par Mgr Aloys Bigirumwami.

Elle y a dirigé une école secondaire pour filles à Muramba dans le diocèse de Nyundo de 1952 à 1967. De Muramba, elle rejoint Nyundo où elle a créé une école pour les jeunes filles axée sur les sciences, le Lycée Notre-Dame d’Afrique de Nyundo. Elle en a été la directrice jusqu’à sa retraite en 1987.

Entre 1959 et 1960, elle fait face à des actes d’intimidation, notamment contre ses étudiants Tutsi à Muramba, lorsque ces derniers étaient menacés de mort par les membres du parti Parmehutu. Après les avoir sauvés, elle a aidé ces étudiants à retrouver leurs familles. En 1973, lorsque les Tutsi étaient expulsés des écoles et du travail, elle a résisté aux tentatives d’expulser les Tutsi du Lycée Notre-Dame d’Afrique de Nyundo, quand bien même cela faisait partie des directives de la politique gouvernementale. Pour ceux qui étaient sérieusement menacés, elle les a aidés à fuir, certains allant à Goma et d’autres au Burundi.

Entre 1990 et 1994, Marie Jeanne Noppen a défendu les Tutsis qui étaient emprisonnés et accusés à tort d’être des complices des guérilleros du FPR – Inkotanyi.

En raison de la persécution qu’elle a subie pour ses multiples sauvetages et son action en faveur des persécutés en 1994, Marie Jeanne Noppen est retournée dans sa Belgique natale. Cependant, elle est revenue au Rwanda en 1995, mais a dû repartir peu après en raison de problèmes de santé. 

Un abbé au secours des orphelins

Le 28 juin 1969, Pierre Simons (photo du haut) était ordonné prêtre à la Calamine par Mgr Van Zuylen. Ce dernier lui avait demandé de s’engager dans un vicariat, à Eupen ou Verviers, avant d’envisager d’autres missions. En effet, le souhait de l’abbé Simons était de partir à l’étranger comme prêtre Fidei Donum. Huit jours avant son ordination, l’abbé Simons est convoqué à l’évêché: le prêtre qui devait partir pour le Rwanda ne peut s’y rendre pour raison familiale. L’abbé Simons se voit donc proposer de le remplacer. « Si tu veux, tu peux y aller tout de suite. » L’abbé Simons n’a pas hésité. Il aura consacré plus de cinquante années à ce pays dont il a pu observer la transformation après la tragédie. En juillet 2019, il nous avait confié son histoire.

Auprès des enfants des rues 

Avant le génocide perpétré contre les Tutsis, le père Simons s’est occupé des orphelins sans abri de la région de Nyanza, fondant en 1971 un orphelinat nommé “Home Don Bosco” puis un autre appelé “Icyotamakara”.
A Nyanza, des missionnaires liégeois avaient fondé le Collège du Christ Roi. L’abbé Simons y enseignera pendant 26 ans. Mais, le soir, après le cours, lors de ses promenades dans le centre-ville, il croise des « enfants à problèmes », seuls, démunis, abandonnés. « En discutant avec eux, j’ai compris que je pouvais me rendre utile. » C’est aussi avec ces enfants des rues qu’il apprend la langue du pays, le kinyarwanda, « très belle mais très difficile ». Il décide alors de fonder un orphelinat. Des deux ou trois enfants recueillis dans un premier temps, ils seront bientôt une centaine, à bénéficier de la protection du prêtre. Il fondera même une deuxième institution au Mayaga.

C’est avec les enfants des rues que l’abbé Simons apprend la langue du pays, le kinyarwanda, « très belle mais très difficile » DR

Pour mener à bien ses projets, l’abbé Simons a toujours pu compter sur le soutien des évêques liégeois et des paroissiens de La Calamine, qui récoltent des fonds pour permettre le développement des infrastructures d’accueil. Les orphelins pris en charge ont pour la plupart perdu leurs deux parents, ont parfois quitté des familles désunies ou plus fréquemment sont nés de filles mères et de pères inconnus. Ils sont scolarisés et certains d’entre eux, arrivés au terme de leur études secondaires, demandent à pouvoir rester pour aider et s’occuper à leur tour des orphelins.

“Il n’y a que des orphelins”

Avril 1994. La haine et la violence déferlent dans les rues. C’est le début du génocide rwandais, qui durera près de 4 mois et fera 800 000 morts, selon les chiffres de l’ONU. Les Européens et les Américains ont alors fui le pays. « Je ne pouvais pas abandonner les enfants en pleine guerre civile. Alors je suis resté avec eux. » L’abbé Simons, par son courage et sa détermination, a pu sauver la totalité des 120 enfants hébergés à l’orphelinat au Mayaga. “Tous les jours, des tueurs – des ‘Interahamwe’ – venaient frapper à notre porte, demandant la liste des enfants avec leur ethnie. J’ai toujours refusé, répondant que je ne m’occupais pas d’ethnies. Il n’y a que des orphelins ici, leur disais-je. C’est une grâce de Dieu que nous ayons pu tous les sauver.”

L’abbé Simons n’a jamais du se cacher ou cacher les enfants mais bien des adultes. “On les logeait dans le plafond” se souvient-t-il. Quand l’armée de Kagamé a repris le pouvoir, dès qu’elle a pris connaissance de l’existence de l’orphelinat, les soldats sont venus les libérer. L’abbé Simons et les enfants ont été conduits à Nyanza qui venait d’être reconquise. Ils ont alors été pris en charge par la Croix Rouge Internationale et Caritas. Après quelques mois, au gré des déplacements, l’abbé Simons et les enfants retournent au home Don Bosco et “nous y avons repris une vie normale”

“Je veux terminer mes jours là-bas”
 

Après le génocide, il n’a jamais quitté le Rwanda et a continué à s’occuper des orphelins à Nyanza. “Je me suis toujours  bien entendu avec la population locale et aussi mes confrères prêtres rwandais” nous confie l’abbé. Malgré le génocide, la pratique religieuse est resté très forte. Dans les campagnes, les messe dominicales durent deux heures et sont vécues avec beaucoup de ferveur. ” Les gens ne s’ennuient pas à la messe. Ils chantent, ils suivent la célébration. La vie chrétienne est très vivante au Rwanda.” Quelques jours avant de s’envoler pour les vertes collines rwandaises, il nous affirmait à l’époque : “Je voudrais terminer mes jours là-bas”. Son voeu fut exaucé, puisqu’il e rejoint le Seigneur à à Icyotamakara le 20 juilllet 2020. Il a donc été déclaré “Juste” par le nation rwandaise pour le sauvetage des orphelins pendant le génocide. 

S.D.