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Après avoir autorisé l’ouverture de la châsse de saint Lambert, dont les reliques ont pu apporter, malgré leur état de conservation dégradé, de précieuses informations, Mgr Delville a souhaité poursuivre l’exploration avec la châsse de Pierre et Andolet, neveux et compagnons de martyre du saint patron du diocèse de Liège. 

Le vendredi 15 mars, Mgr Delville a convié le professeur Philippe Boxho au Trésor de Liège pour lui confier la nouvelle mission d’analyser les reliques des neveux de saint Lambert. 

D’après la tradition historique, Pierre et Andolet, neveux de saint Lambert, ont partagé le sort de ce dernier, victimes d’une vendetta dont leur clan était la cible. Les textes ne disent rien de la cause exacte de la mort de ces deux compagnons, on sait toutefois que les deux braves se sont battus avant d’être assassinés. Or, le premier sac d’ossements ouvert et examiné par le légiste contenait un tibia portant les marques de deux coups d’épée assénés violemment. Ce ne sont pas des coups mortels en soi, sauf s’ils ont entrainé une grave infection, précise le professeur Boxho à qui l’évêque a confié cette nouvelle mission d’expertise.  

>>> Lire aussi: Les reliques de Pierre, neveu et compagnon de saint Lambert, vont-elles parler ? 

Le vendredi 15 mars, dans le laboratoire du Trésor de Liège, Monseigneur Delville a donc procédé, comme pour saint Lambert, à l’ouverture de la châsse en rompant les sceaux pour en découvrir le contenu, sur lequel nous étions beaucoup moins bien documentés. Sur le coffre de zinc, une plaquette mentionne les noms des défunts : Pierre, Andolet mais aussi Floribert, fils naturel et successeur de saint Hubert.
Dix-sept sacs de soie rouge ont été ainsi extraits, méticuleusement étiquetés, d’une manière tout à fait similaire à ce qu’on a pu trouver dans la châsse de saint Lambert. Preuve s’il en est que les deux châsses ont été ouvertes en même temps dans le courant du 19e siècle. 


Au moment où Mgr Delville découpe le ruban des scellés, l’assemblée des experts ignore encore le contenu exact que renferme le coffre en zinc portant le nom de Pierre, Andolet et Floribert. (c) Sophie DELHALLE

Deux ou trois ? 

Tandis que les experts en écriture médiévale et moderne se penchent sur les authentiques, l’intérêt du légiste s’est tout de suite porté sur les os longs, susceptibles de nous renseigner sur la taille, le sexe, l’âge ou l’état sanitaire du défunt. Le professeur Boxho a pu constater les blessures portées au tibia – par ailleurs mentionnées sur l’étiquette – mais aussi déterminer une différence de taille et d’âge entre les deux individus dont les restes ont été magnifiquement conservés.

Il est très probable que les restes d’un troisième individu fassent partie de l’ensemble. En tout cas, tous les indices laissent à penser qu’il s’agit bien d’individus masculins. Les sacs ont révélé des ossements provenant de toutes les parties du corps : mains, pieds, bassin, jambes, vertèbres, côtes, maxillaire, dents, … Seuls les crânes n’ont pas été conservés. Certains ossements ont été trouvés parfaitement intacts, d’autres ont été morcelés apparemment volontairement. Il en aurait fallu beaucoup plus pour décourager notre légiste qui a aisément reconstitué les puzzle osseux.


Le professeur Boxho constate des coups portés avec violence sur un tibia exceptionnellement bien conservé. (c) Sophie DELHALLE

Un sceau médiéval

Si le nombre et l’état des ossements sont beaucoup plus satisfaisants, les documents exhumés avec les restes humains ont livré leur part d’informations, également très instructives. L’une des authentiques porte un sceau du chapitre cathédral de saint Lambert – en cire transparente – qui pourrait dater du 13e siècle, cet élément a particulièrement attiré l’attention du conservateur du Trésor de Liège, Julien Maquet, pour qui cet objet suggère une ouverture de la châsse à cette époque. Hypothèse renforcée par la promotion tardive du culte des neveux de saint Lambert. C’est aussi probablement pour cette raison que leurs restes ont été mieux préservés car moins recherchés. 


Ce sceau du chapitre cathédral de saint Lambert datant probablement du 13e siècle a fait le bonheur des médiévistes invités à l’ouverture de la châsse des neveux de saint Lambert. (c) Sophie DELHALLE

Un autre document daté de 1489 lors de la grande ouverture de toutes les châsses conservées à la cathédrale est assez identique à celui retrouvé dans le chef-reliquaire de saint Lambert. De l’étui métallique entreposé avec les reliques, ont également été extraits un document de 1652 et un quatrième décrivant les évènements de 1792 à Liège, attestant que les troupes révolutionnaires ont miraculeusement épargné les reliques, emportant seulement les ornements d’orfèvrerie en argent. 

La dernière ouverture de la châsse des compagnons de saint Lambert remonte à l’année 1856 sous l’impulsion de Mgr de Montpellier qui avait pour ambition de restaurer le culte des reliques dans le diocèse en ouvrant toute une série de châsses pour en dresser l’inventaire et organiser une distribution. C’est à cette époque qu’ont été réalisés les caissons de zinc qui contiennent toujours les reliques diocésaines.


C’est le doyen du chapitre cathédral, Mgr d’Argenteau (1787-1879), qui a passé commande pour un autel portatif contenant une relique de saint Théodard, prédécesseur de saint Lambert. (c) Sophie DELHALLE

De saint Lambert à saint Théodard

Sur le coffre attribué à Pierre et Andolet, reposait un petit autel portatif dont les parois de plomb se sont presque totalement désintégrées laissant apercevoir l’authentique glissée à l’intérieur. L’écrin qui n’a pas résisté à l’épreuve du temps contient une relique présumée de saint Théodard, prédécesseur de saint Lambert, dont il n’existe par ailleurs qu’une seule mention historique. Cet autel a été conçu à la demande de Mgr d’Argenteau (1787-1879). Ce militaire et diplomate belge, né et mort à Liège, fut nonce apostolique en Bavière jusqu’en 1837 avant de devenir doyen du chapitre cathédral et de recevoir le titre honorifique d’archevêque de Tyr, alors occupée par les Ottomans. 

Au vu du nombre et de la qualité des ossements conservés, nous devrons encore attendre quelques semaines pour connaître les conclusions définitives du légiste dont le travail d’expertise est plus conséquent que lors de l’ouverture de la châsse de saint Lambert. 


L’usure des dents a permis au légiste de déterminer que l’un des deux individus était plus âgé que l’autre. (c) Sophie DELHALLE

Texte: Sophie DELHALLE