S’il est un homme intarissable sur le sujet, c’est bien Michel Vincent. Santonnier passionné et médaillé, le Liégeois présente en ce moment quelques-unes des plus belles pièces de sa collection de crèches provençales à l’église Saint-Remacle. Nous l’avons rencontré.

A 9 mois à peine, il grimpait déjà dans le canapé de chez ses grands-parents pour essayer de s’emparer des santons. C’est pour dire que cette passion de la crèche lui est chevillée au corps depuis sa plus tendre enfance. C’est à l’âge de 15 ans que Michel effectue son premier voyage en Provence, et quelques années plus tard, réalise sa première crèche.
Une ancestrale tradition
(c) Sophie DELHALLE
La tradition de la crèche fête cette année son 800e anniversaire ; d’après la légende, saint François d’Assise aurait eu le premier cette idée de reconstituer la Nativité dans le petit village de Greccio à Noël 1223. L’art des santons, quant à lui, puise ses racines au 18e siècle, dans le quartier du Vieux-Port de Marseille où quelques figuristes se mettent à produire des personnages en argile crue.
La crèche provençale est en réalité une forme de dévotion oratorienne dont les premières traces remontent au siècle précédent. Avant les santons, les crèches étaient modelées dans la mie de pain recuite. L’estampillage de l’argile dans des moules – dont vous pourrez admirer quelques modèles dans l’exposition (photo ci-contre) – va donc véritablement lancer le santon, un procédé peu couteux qui autorise le repentir, des variations à partir d’un
même moule. Le matériau permet d’imprimer d’emblée un très grand nombre de détails.
On attribue l’invention des tout premiers santons au Marseillais Jean-Louis Lagnel (1764-1822). Les héritiers de ces premières entreprises artisanales et familiales se comptent actuellement par centaines en Provence.
Chez les santons, différentes écoles
C’est auprès de René Pesante, le “prince des santonniers”, décédé en 2011, que Michel Vincent s’est formé pendant plusieurs années durant les congés scolaires quand il était encore étudiant. Dans les années 1980, il contribuera à créer les santons wallons, à la demande de Jean-Denis Boussart, pour l’Office du Tourisme. Incollable, Michel Vincent connait de mémoire l’histoire de tous les grands noms provençaux dont certains ont été ou sont reconnus comme meilleurs ouvriers de France.
(c) Sophie DELHALLE
Chez les santonniers, différentes écoles ont vu le jour : certains, rares, ont choisi de faire perdurer la tradition ancestrale des santons en argile crue, d’autres ont opté pour la faïence, et d’autres encore ont préféré les modèles habillés, parfois grandeur nature.
Michel Vincent a d’ailleurs réalisé sa première crèche de santons habillés pour l’église de Robermont il y a de cela quarante deux ans. Mais il admet avoir une petite préférence pour le mouvement du santonisme, dont les figurines arborent un style plutôt naïf et très coloré dont nous avons pu admirer quelques exemplaires (photo ci-contre). ci-contre). Le motif du santon va alors coloniser les objets du quotidien.
Un florilège de crèches
S’il n’a plus le temps d’en fabriquer lui-même, Michel reste à l’affut de la moindre découverte et achète régulièrement de nouveaux santons chinés sur les brocantes. Il y trouve parfois des trésors – comme cette crèche sicilienne du 19e siècle acquise quelques jours avant notre rencontre – à des prix défiant ceux affichés dans les grandes salles de vente où certaines crèches complètes peuvent atteindre aux enchères plusieurs milliers d’euros. Des personnes lui font régulièrement don de leurs crèches et de santons. Chaque année, il sort donc quelques-unes de ces plus belles pièces pour les exposer à l’église Saint-Remacle.
Nous avons notamment pu admirer une crèche déposée sur une pince à linge (voir photo ci-dessous), œuvre de Paul Pontet (1914-1987) qui a fait des crèches miniatures et des santons-puces sa spécialité. “Il a réalisé une crèche dans une coquille de noix avec 40 personnages, et de la fumée qui sort des cheminées” indique Michel Vincent. Dans ses cartons, une crèche coréenne qu’il s’apprête à installer à l’église Saint-Vincent de Fragnée. “Joseph et Marie ont revêtu les habits nuptiaux traditionnels” précise notre spécialiste qui attire aussi notre attention sur les crèches blanches. Baptisées ainsi non pas en raison de leur couleur, mais de leur thème, la Présentation au Temple. Succédant pour quelques jours à la crèche de Noël, elles sont exposées jusqu’à la Chandeleur. Leur nom proviendrait peut-être du plumage des colombes offertes en offrande par Marie et Joseph.
Une médaille bien méritée
(c) Sophie DELHALLE
Pour en revenir à la traditionnelle crèche provençale, celle-ci doit être composée de plusieurs scènes : la propagation de la nouvelle, le réveil des bergers, l’adoration des mages et la marche vers l’étable. En parcourant du regard les vitrines de l’exposition, vous remarquerez peut-être comme nous que certains moutons portent des points rouges sur le dos.
Notre guide au savoir encyclopédique a tôt fait de nous en expliquer la raison: “Ce sont les ‘flouca’, les béliers meneurs de troupeau dont on laissait pousser trois touffes sur le dos pour les colorer et ainsi plus facilement les repérer“. Un élément, parmi d’autres, qui caractérise et distingue les ‘vraies’ crèches provençales, où le souci du réalisme se lit jusque dans les moindres détails.
L’exposition de crèches provençales à Saint-Remacle émerveillera petits et grands. Ajoutons encore que notre santonnier liégeois vient d’être distingué de la médaille d’or de la “Fédération internationale des Amis de la Crèche“. Et il ne l’a pas volée !
Sophie DELHALLE
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ℹInfos pratiquesℹ
Exposition “Crèches et santons de Provence. Deux siècle de tradition” à voir à l’église Saint-Remacle, rue d’Amercoeur, 22, à 4020 Liège, du 2 décembre 2023 au 4 février 2024. Ouvert le samedi et le dimanche de 14h à 18h.
Droit d’entrée: adulte : 5 euros / enfants de 6 à 12 ans : 2 euros
Visites guidées chaque samedi à 16h.
Pour les groupes et les écoles sur demande au 04/343.26.3